Pain

Partir en voiture chercher du pain au village proche.
Tomber face à un mur meurtri.

Une amitié dont le trivial se mélange à l'amitié.
Prendre sur la vie le temps qui n'a pour vocation qu'un plaisir,
celui du pain frais,
Goule nourrie du plaisir d'un autre.
et qui sacrifie plus plein de la pensée, de l'écriture, de l'ouvrage,
celui de croire plus fort à la présence.
Ecrire comme une présomptueuse absence.
Sans doute faut-il du courage pour rompre
et se croire soi.
Croître et croire en soi-même
enivre et dilate
Proust le dit ainsi.
Mais l'amitié nous est donnée. Elle possède cette qualité rare de n'être pas volée.
Elle fait appel à celle ou celui qui en est l'arbre,
à la fois lieu et lien ;
une attache au sol qui n'est pas celle des mains agrippées,
mais d'une attraction partagée, de sentiments intriqués.
J'admets une part de moi comme externe. Admettre comme autorisation
autant que comme constat
Le sacrifice, même fertile, peut n'être qu'un mensonge
et le don un présent.
Formule affreuse fruit d'une peur.

Le mur meurtri
L'appareil photographique à la main, aucun chemin ne peut me conduire à un angle satisfaisant. Il reste un mur nu, ignoré et parlant. La recherche me mène cependant à l'aplomb des restes d'un potager rongé par l'automne avançant. La matière de plastique noir retrouve ses origines organiques. Elle brille et vibre dévorée par les herbes qu'elle peine à étouffer.Quelques potirons attendent la dernière récolte.





Emotion d'un abandon vivace.
Le dépérissement n'est pas insensé
dans ce jardin  sans plus le sérieux  des rangées.
Reliefs d'un soin et d'une satisfaction.
Décomposition autonome et attentive au rythme .
Joie sans raison et sans volonté.
Tout un levain.