Brèche
Je marchais lorsqu’un papillon inattendu se posa devant moi.
Une brèche s’ouvre autant dans l’espace que dans l’instant, large fissure de phosphore qui chavire droite de la voûte au sol, avalant l’air vitreux et le chemin sec pour régurgiter toute forme sous l’aspect des cinq solides de Platon. L’ordre n’est qu’apparent dans la juxtaposition des choses sans catégories dansant dans la lumière criarde et limpide qui rayonne depuis l’impact.
Le temps cristallise comme un amas de pyrite et saccage le passé proche au profit d’une pérennité hypnotique. Tout dure, non pas jusqu’à demain et au-delà, mais maintenant, allongé infiniment dans l’étui ouvert par le hasard et la nécessité. L’ouroboros avale et féconde l’épreuve et l’apparition advenus sans cesse à partir d’un point qui partout se situe.
Une partie de moi est saisie, étirée, arrachée à ce que je pensais être ; expédiée sans savoir où dans le lit d’un Styx asséché et amnésique des ressorts, des fins et des moyens. Alentour est le désert luxuriant des pensées castrées par la répétition à laquelle condamne la contingence, fille abhorrée du jour qui se lève, et se lève, et soupèse ce qu’il permet.
Le battement des ailes est indolore et silencieux, mais ébranle la matière dont sont faites les heures, les minutes et les secondes même d’où jaillissent l’entrave et l’émancipation.
Bref, le lépidoptère brisa l’onde.