Cinq




Cinq traits qu’on dirait indécis, à l’encre noire dissoute.

Cinq écoulements qui s’affirment dans leur prolongement vertical.

 

Leurs bords tremblent.

Ils s’imposent par contraste avec la feuille restée vierge entre eux

plutôt qu’ils ne barrent un espace laissé à sa platitude.

 

Ils descendent ou s’élèvent

selon qu’ils croissent ou décroissent.

 

L’encre diluée fait matière.

Les zones claires ont des reflets de métal terni.

 

Des nuages que la chute aurait ordonnés.

Une rouille monochrome qui rongerait des pieux.

 

L’obscurité varie comme un halo.

Elle s’observe et se dérobe, diffuse.

Elle est d’autant plus profonde que ses abords semblent la concentrer.

 

Le passage du noir au gris n’est pas un souple dégradé, mais un changement de qualité, une autre présence de la lumière qui se fait non pas terne, mais discrète.

 

L’encre est par endroits morcelée.

Ses débris dérivent dans un presque mouvement.

 

Ce pourrait être des fentes ouvertes sur un tapis de cendres

ou les colonnes d’une fumée obéissant aux ordres de la rectitude.

 

Des taches, ces traits n’ont pas la consistance,

trop raides et trop mouvants.